Shodh Yatra, c'est le nom de mon premier cours à l'IIMA. "Yatra" ça veut dire quelque chose comme "cheminement", au sens propre comme au figuré. Donc pendant Shodh Yatra, on marche, et on pense. Jusque là tout va bien. Là où ça se corse, c'est quand on découvre qu'une des grandes convictions du prof (professeur Anil K. Gupta, une vraie célébrité ici en Inde) est que l'on apprend mieux dans l'incertitude. Résultat, Shdodh Yatra est un trek en improvisation permanente, où tout est possible, tout peut arriver, rien est prédéfini. Le genre de cours dont on se souvient, longtemps.
Et maintenant, un résumé de cette folle aventure.Un grand merci à Laura qui me prête ses superbes photos pour illustrer !
2 septembre : Début de Shodh Yatra. Rendez-vous à 8h du mat' à la gare de New Delhi et découverte de la fine équipe de doux dingues qui participent : une trentaine d'étudiants, dont seulement 3 "exchange", Laura, Stefano et moi.
Et c'est parti pour un voyage en bus direction Haridwar, à 200 km au Nord de Delhi. Ensuite on prend des jeeps pour nous rendre à Rishikesh, encore un peu plus au Nord. C'est là que l'on retrouve Professeur Gupta, qui nous emmène manger dans un Gurudwara.
Encart culturel : qu'est-ce qu'un Gurudwara ? Un Gurudwara est l'équivalent Sikh des temples/églises/mosquées, etc. Là-bas, des repas sont servis gratuitement à tous ceux qui le souhaitent. Il suffit d'avoir quelque chose sur la tête et d'être pieds nus. Ensuite on s'assoit en ligne par terre et des gens vous servent du riz et des lentilles. Simple, efficace et pas cher.
Puis en voiture Simone, nous continuons notre trajet en jeep jusqu'à ce que la nuit tombe et nous arrivons à Srinagar (attention, pas le Srinagar qui est au Cachemire, là nous sommes dans l'Uttarakhand) où nous passons la nuit.
3 sept. : Levé aux aurores pour continuer notre trajet en jeep. Problème : une des 4 jeeps est déjà en panne. Nous en trouvons finalement une autre dans le village et partons. Départ prévu 5h ; départ effectif 7h.
Grosses frayeurs : la route serpente dans les montagnes, entre éboulements, glissements de terrains, inondations... C'est complètement dingue, je me demande encore comment on a survécu ;-)
Nous arrivons enfin à Govindghat, sous la pluie, puis nous partons pour notre première marche. Au début il pleut des cordes, ce qui rend la rando assez déprimante, mais le temps finit par s'arranger et là ça devient vraiment sympa. Les paysages sont magnifiques. On se sent tout petit au milieu de toutes ces montagnes !
Le chemin que nous empruntons est un chemin de pèlerinage sikh, donc nous ne sommes pas tout seul. Surtout, il y a énormément de poneys pour transporter les flemmards, les personnes âgées et les bagages.
Nous passons la nuit dans un bled paumé où il n'y a ni eau courante ni électricité. Nous sommes trempés à cause de la pluie et malgré nos k-ways, et vu l'humidité ambiante, impossible de faire sécher quoi que ce soit. Plusieurs d'entre nous ont attrapé la crève à cause de ça.
Le soir Professeur Gupta organise la première "Session", sur le thème de l'incertitude et de l'apprentissage. Nous partageons nos impressions sur cette première marche. C'est assez drôle de voir les différences de perception entre les étudiants indiens et les trois européens. De manière générale, les Indiens ne sont vraiment pas sportifs (quand je dis vraiment pas, c'est vraiment pas), donc la moindre activité physique est vite insurmontable. Résultat, les étudiants indiens avaient l'impression d'avoir accompli un exploit en faisant cette rando de 9km, alors que Stefano, Laura et moi étions dix fois plus choqués par le trajet en jeep et l'endroit où nous passions la nuit.
4 sept. : Nous passons la matinée dans le village et partons à la rencontre des habitants, notamment les femmes. Elles travaillent comme des dingues car en plus de s'occuper des tâches ménagères, de la nourriture et des enfants, elles font aussi les récoltes dans les champs. Ce qui est récolté là-bas est destiné quasiment exclusivement à la consommation personnelle. Leur mode de vie nous paraît très dur, mais quand on leur demande si elles aimeraient une autre vie, elles trouvent notre question bizarre. Pourquoi rêver d'autre chose ? Elles ont exactement la vie à laquelle elles s'attendaient et se trouvent très heureuses ainsi.
Le village de Byundhar |
L’après-midi nous continuons la marche, direction Gangharia où nous arrivons en soirée. Le village est glauque, plein de crottins à cause de tous les poneys, ça pue et c’est tout gadoue-merdeux. Mais sur le moment, nous sommes bien contents d’arriver dans un hôtel avec de l’eau courante et de l’électricité (à certaines heures de la journée seulement !).
Deux nouvelles sessions sont organisées, dont une sur le thème « qu’aimeriez-vous changer dans votre enfance ? ». Là encore, le plus intéressant est de voir les différences dans les valeurs et les aspirations des indiens par rapport aux nôtres.
5 sept. : Marche jusqu’à la « Valley of flowers », absolument superbe. L’endroit s’appelle comme ça en raison de l’immense variété de fleurs qu’on y trouve. Nous sommes à plus de 4000 mètres d’altitude. En toile de fond, les sommets enneigés de l’Himalaya veillent sur nous. Nous sommes assez vite pris dans un épais brouillard car nous sommes à la hauteur des nuages, c’est plutôt charmant comme ambiance. Là-haut nous sommes censés « méditer » (rappelez-vous, ce cours est un cheminement dans les méandres de notre âme et notre esprit !). Personnellement je trouve un rocher suffisamment confortable pour méditer en rêvant ;-).
En route pour la Valley of flowers ! |
Nouvelle session le soir où chacun est invité à parler des personnes qui les ont marqué dans leur vie.
6 sept. : Marche de retour vers Govindghat, sous un vrai beau temps bien agréable. Par contre l’air de la montagne semble avoir inspiré des idées farfelues à Professeur Gupta. Il propose que nous nous rendions dans un village paumé le soir même, que nous parlions aux habitants et essayions de nous faire héberger chez eux. La moitié d’entre nous a chopé la crève et nous sommes tous claqués. Autant vous dire que l’enthousiasme n’est pas au rendez-vous, une mutinerie se prépare… Finalement le prof accepte que nous repartions directement vers Srinagar, soulagement général. Nous devons tout de même attendre la réouverture de la route, fermée pour cause de glissements de terrain. L’aventure, la vraie !
Vous voyez la plaque de tôle sur la gauche ? Et bien c'est un pont, et il faut passer dessus |
7 sept. : Journée de fou en perspective, car planning hyper chargé pour ce dernier jour. D’abord nous nous rendons à l’université de Srinagar pour une conférence puis une présentation de notre périple aux étudiants de Srinagar. La présentation est préparée le matin même pendant le trajet dans une des jeeps, normal.
Ensuite départ express pour Dehradun, capitale de l’Uttarakhand, où l’« Industries Association of Uttarakhand » nous attend. Professeur Gupta est reçu avec tous les honneurs, c’est vraiment une star ici. Il présente notre périple aux personnes présentes et les étudiants de l’IIMA sont invités à proposer des innovations pour favoriser notamment l’éco-tourisme dans cette région. Différentes idées sont proposées, comme mettre en place un système de purification de l’eau pour tirer profit de toute la flotte qu’il y a sur place au lieu d’y acheminer des bouteilles d’eau, développer un réseau de marchands de fruits bio et d’artisanat, ou encore de façon plus terre à terre accrocher un sac au derrière des poneys pour éviter que leur crottin parsème tout le chemin de pèlerinage !
Dans la soirée nous nous dispersons, c’est la fin de Shodh Yatra. Avec d’autres étudiants je prends un bus de nuit tout pourri pour Delhi. Encore un trajet terrifiant, mais nous arrivons sains et saufs le lendemain avec 3 heures de retard.
8 sept. : Après l’effort, le réconfort ! Avec 5 autres étudiants, je passe la journée à Delhi. Enfin une douche, un lit, du confort ! Nous renouons pour de bon avec la civilisation et passons la soirée dans un bar bien sympa. Au final, j’ai un avis assez partagé sur Shodh Yatra. J’ai trouvé dommage d’avoir passé tant de temps dans les transports, mais ça a été une superbe occasion de rencontrer les étudiants de l’IIMA et de découvrir un peu plus l'Inde !
Félicitations... pour avoir survécu!
ReplyDeleteAyant vu le k-way en question (une sorte de toile de tente vaguement taillée pour un être humain) je t'admire ;-)
T'as pu faire porter ton sac par un poney (ou un gentil étudiant indien) ?
Mon k-way a craqué dès le premier jour, en effet ;-)
ReplyDeleteFigure-toi que pour la première marche, j'étais une des très rare personnes à avoir porté moi-même mon sac. Les indiens sont tellement peu sportifs qu'ici je passe pour une athlète !!