Mercredi dernier, Sébastien, Laura et moi nous sommes envolés pour Calcutta puis Varanasi. Récit illustré d’un voyage palpitant :
Jour 0 (celui-là compte pour du beurre car c’est juste un après-midi) :
Arrivés en fin de journée à Calcutta, nous nous baladons dans le quartier de notre hôtel en quête d’un endroit pour dîner. Je suis très vite frappée par la pollution qui règne ici : l’air racle la gorge et j’attrape vite mal à la tête. Pas étonnant vu les embouteillages !
Calcutta, ou plutôt Kolkata, car c’est son nom officiel depuis 2001, est une des villes les plus peuplées du monde. Elle abrite 14 millions d’habitants qui s’entassent les uns sur les autres : c’est là que l’on trouve la plus forte densité du pays avec 24 800 habitants au km2, rien que ça. Kolkata est l’ancienne capitale de l’Inde et aujourd’hui encore son centre culturel et artistique. La colonisation britannique a laissé une architecture impressionnante faite de monuments grandiloquents, de maisons nobles et d’immeubles aux façades sculptées. Mais tout cela tombe en ruine ! La végétation tropicale s’attaque même aux bâtiments et l’on voit çà et là des buissons pousser sur des façades tout effritées. Grouillante et puante, Kolkata n’en est pas moins fascinante. En pleine ville, on traverse des quartiers incroyablement calmes, puis au détour d’une ruelle, on se retrouve dans l’agitation d’un marché qui bat son plein. Mieux vaut être en forme, car on s’en prend plein les yeux, les oreilles et les narines ! Les papilles ne sont pas en reste : la nourriture bengalie, parfumée sans être trop épicée, est un vrai régal.
un "homme-cheval" tire sa nacelle dans les rues de Calcutta |
Jour 1
Pour notre première journée à Calcutta, nous avions prévu un « city tour » : une voiture qui nous trimballe de monuments en monuments, comme de vrais bons touristes. Seulement voilà, l’hôtel qui devait nous avoir organisé cela nous fait faux-bond, nous obligeant à nous rabattre sur une agence. Nous trouvons un autre chauffeur, mais cela prend du temps et nous ne nous mettons en route qu’à midi, dommage.
1ère étape : Victoria Memorial Hall. Une très chouette pièce montée, bien conservée (pour une fois !), reflet des fastes de l’époque britannique. Very good.
Victoria Memorial Hall |
Etape 2, le temple de Kali, la déesse qui a donné son nom à la ville (Kalikata/Kolkata, ça sonne un peu pareil, non ?). Juste à côté du temple se trouve Mother House, l’hospice fondé en 1952 par Mère Teresa. Malheureusement, l’endroit n’ouvre qu’à 18h donc nous devons nous contenter de la façade.
Kali Temple |
Mauvais timing aussi pour l’étape 3, le Birla Temple, pas encore ouvert quand nous y arrivons. Il nous reste encore pas mal de temps pour visiter la ville, mais notre chauffeur ne parle pas un mot d’anglais et fait preuve de beaucoup de mauvaise volonté quand nous lui demandons de nous emmener ailleurs. Finalement, son boss nous explique par téléphone que le chauffeur nous emmène maintenant à « Science City ». N’ayant aucune idée de ce dont il s’agit, nous nous laissons trimbaler jusqu’à ce qui se révèle en fait être un parc d’attractions absolument minable à l’écart de la ville. Gé-nial. Des attractions ringardes, comme « Evolution Park », une grotte en carton-pâte avec dedans des dinosaures en plastique mis en mouvements dans un grand bruit de pompe à vélo. On est super content, vous imaginez bien…
Après un détour à l’agence pour aller râler (ça fait toujours du bien), nous achevons ce « city tour » en nous rendant au Birla Planetarium puis à la cathédrale Saint Paul, un édifice religieux assez proche de ceux que l’on rencontre en Europe, à un détail près : à l’intérieur, un système de poutres en métal permet de maintenir une vingtaine de ventilos juste au-dessus des bancs, c’est assez marrant à voir.
Nous tombons par hasard sur une expo de peinture à l’University of Fine Arts, puis sur un spectacle de fontaine+son+lumière dans un parc juste en face. Sympa !
Le soir, nous nous remettons de nos émotions autour d’un thali bengali, un vrai régal.
Miam ! |
Jour 2
Blurp blurp, mon ventre n’est malheureusement pas très en forme. Ayant été malade dans la nuit, je renonce à accompagner Laura et Sébastien au marché aux fleurs à 7h du mat’, et reste me reposer à l’hôtel. Je les retrouve un peu plus tard dans un café du quartier universitaire, un endroit assez pittoresque avec ses dizaines de « book stalls » partout dans la rue. Nous déambulons ensuite dans le quartier de Kumartuli, un entrelacs de ruelles calmes et colorées. Au détour d’une rue, nous nous retrouvons soudain dans l’agitation du marché aux fruits, un endroit incroyable ! Des pyramides d’oranges, des montagnes de bananes et bien sûr plein de monde, c’est génial !
Enchères sur les bananes |
Après cela, visite de la maison du poète Tagore, une des grandes figures de la ville et du mouvement pour l’indépendance de l’Inde, qui reçut le prix Nobel de littérature en 1913.
En soirée, nous prenons le train direction Varanasi à Howrah Station. Le guide nous prévient qu’il s’agit d’une des plus grandes gares d’Asie, donc nous nous préparons psychologiquement à galérer, mais que nenni, nous trouvons notre train sans aucun problème, c’est même pas drôle.
Je teste pour la première fois le voyage en « sleeper », cette à dire dans la classe la moins chère et donc réputée pour être surpeuplée, bruyante et inconfortable. Du moins c’est ce disent les guides touristiques. En réalité, il n’en est rien, c’est très comparable à ce qu’on a quand on paye plus cher, la clim’ qui rend malade en moins. Au final, un des trajets où j’aurais le mieux dormi !
Jour 3
Varanasi ! Aussi connue sous le nom de Bénarès (décidément, on aime bien donner plusieurs noms aux villes dans ce pays !), Varanasi est elle aussi une ville incroyable. Située sur les bords du Gange, c’est LE lieu saint par excellence pour les Hindous. Les pèlerins s’y rendent pour se laver de leurs péchés dans le Gange, et aussi beaucoup pour… y mourir. Et oui, car mourir à Varanasi pour un Hindou, ça veut dire atteindre directement le « moksha » (l’équivalent du nirvana bouddhiste) sans passer par la case « réincarnations multiples ». On y croise donc des vieillards venus attendre patiemment la mort sur les bords du Gange.
Varanasi fait partie de ces endroits où l’on prend pleinement conscience du gouffre culturel qui existe entre l’Inde et notre monde occidental. C’est une ville fascinante, sans doute la plus déroutante pour nous, petits occidentaux. Il faut se promener sur les ghâts (les escaliers qui bordent le fleuve) au coucher du soleil et à l’aube pour percevoir l’atmosphère si particulière qui y règne. Ici tout est religieux, presque mystique. Au son des chants des pèlerins, on se croirait dans un monde parallèle où nos points de repère habituels sont complètement bouleversés.
La nuit tombée, nous assistons à une crémation sur un des deux ghâts dévolus à cette pratique. Un habitant de Varanasi (un varanasien ?) nous commente ce qui est en train de se passer. Les hommes de la famille (les femmes sont exclues de ce rituel) apportent le corps, drapé dans un linceul coloré, sur un brancard en bois. Ils commencent par le plonger dans le Gange, puis ils le place sur un bûcher et le recouvrent de fleurs et d’encens. Le fils aîné va allumer une torche dans un temple situé à quelques mètres. On dit que le feu y brûle depuis des milliers d’années sans s’être jamais éteint. Le fils met le feu au bûcher et le corps mettra plusieurs heures à se consumer. Le fils aîné est aussi chargé de fracasser le crâne du mort, pour libérer ce qui reste d’âme dans le corps. Le lendemain matin, les cendres seront versées dans le Gange. Les corps sont drapés de rouge pour les femmes, blanc pour les hommes et doré pour les vieillards.
L’Indien qui nous avait fourni les explications sur la crémation nous emmène ensuite visiter son « usine » de soierie, dans le quartier musulman. Il s’agit vraisemblablement d’une reconstitution pour touristes, mais c’est quand même intéressant de voir comment marchent les métiers à tisser. Nous avons même le droit d’essayer de tisser nous-mêmes (je suis nulle !). Après ça, passage obligé dans le magasin de soieries de notre nouvel ami. Que de tentations !
Nous nous rendons sur un des ghâts principaux et assistons à la « puja », cérémonie d’offrande de la lumière au Gange qui se fait selon un rituel très beau à voir. 4 ou 5 prêtres, face au fleuve, accomplissent une chorégraphie sur fond de chants sacrés, tintements de cloches et percussions. Chandeliers, encens, fleurs et bougies font partie du matériel indispensable pour la puja. Les fidèles suivent les gestes effectués par les brahmanes, puis vont à leur tour déposer dans le Gange des bougies et des fleurs. Toutes ces petites lumières dérivent lentement sur le fleuve, c’est très chouette.
Puja |
Jour 4
Dimanche, nous sommes debout à 5h du matin, pour assister au lever du soleil sur le Gange. C’est à ce moment-là que les pèlerins font leurs ablutions. Des dizaines de touristes, dont nous, assistent à ce rituel depuis des barques sur le fleuve, et s’approchent souvent assez près des rives. Je trouve ça un peu bizarre et gênant : ça vous plairait, vous, si des inconnus entraient dans votre salle de bain le matin pour vous observer en train de vous laver ? Mais les Indiens tolèrent ça sans problème, sympas.
Nous nous perdons ensuite dans les petites rues de la vieille ville. Des centaines de personnes font la queue pour accéder aux temples, c’est incroyable.
A la queue leu leu |
En début d’après-midi, il est déjà temps pour moi de repartir pour Ahmedabad, car oui, il m’arrive d’avoir cours ! Je vis alors la pire tentative d’arnaque de mon séjour en Inde (en tout cas jusqu’à présent !). Je vous raconte, mais je vous préviens, c’est un peu long…
L’arroseur arrosé
Mon vol est prévu à 15h50, avec une escale de plusieurs heures à New Delhi. Il faut pratiquement une heure pour rejoindre l’aéroport de Varanasi, donc vers 13h, je monte dans un rickshaw qui, après négociations, me propose la course pour 350 roupies. C’est sans doute un peu salé, mais j’accepte. En voiture Simone, nous roulons à travers la « banlieue » de Varanasi, traversant des bleds tous plus glauques les uns que les autres. Entre temps, je reçois un appel d’Air India me prévenant que mon vol a au moins 1h40 de retard. Bon… Tant pis, j’attendrais à l’aéroport. Au bout d’une petite heure de route, le chauffeur s’arrête devant une gare et me dit qu’on est arrivé. Pardon ?? J’avais demandé l’aéroport, pas la gare de pétaouchnoc ! Et là, cet abruti (je me permets de l’insulter, il le mérite) prend son air tout étonné et essaye de me faire croire que c’est moi qui lui aie demandé de m’emmener à cette gare, que je n’ai pas du être claire et tout et tout. Mon œil ! Devant mes protestations, il fait mine de reconnaître que c’est de sa faute, il a fait une erreur, mais il n’a pas fait exprès, ça arrive. Puis avec un air de chien battu, il m’explique qu’on est maintenant super loin de Varanasi (sans blague !) et encore plus loin de l’aéroport, donc il ne peut pas m’emmener. What ?? et je fais quoi, moi, maintenant que je suis à la gare de Merdouille-les-bains ? S’en suit une grosse engueulade, je menace d’appeler la police à deux reprises, mais le chauffeur accepte finalement assez rapidement de m’emmener à l’aéroport. Nous voilà de nouveau en route, dans l’autre sens cette fois-ci, et à toute berzingue, car le chauffeur, lui, ne sait pas que le vol a du retard (je pense qu’habituellement il compte sur fait que ses clients sont stressés à l’idée de rater leur avion et du coup prêts à le payer des milles et des cents du moment qu’ils attrapent leur vol). Le mec a quand même le culot de me dire que vu tous les kilomètres qu’on fait en plus, si je suis satisfaite je dois lui payer 100 roupies de plus. Dans tes rêves, l’ami, ne me prend pas pour plus quiche que je ne suis.
En bordure de Varanasi nous bifurquons. Aucun panneau en anglais donc impossible pour moi de savoir si nous sommes enfin sur le bon chemin. Je commence à en douter vu l’état de la route. D’après le chauffeur, c’est un raccourci… Heureusement nous finissons pas rejoindre une grosse route et l’aéroport est fléché. Ouf, me dis-je, mais je ne suis pas au bout de mes peines ! Arrivés devant un parking avec le panneau « airport », le chauffeur me demande de payer l’entrée. J’en ai ma claque, je me tire du rickshaw et le laisse en plan sans payer. Bien sûr, il me suit. « No money madam ? » Et non, no money pour les arnaqueurs. Je reprends mon engueulade, et suffisamment fort pour qu’un policier ramène sa fraise. Je laisse le chauffeur s’expliquer avec la police et me rends au terminal, qui se révèle être un vieux bâtiment vide et délabré. Là, un gardien m’explique qu’il faut que je me rende au nouveau terminal, là-bas en face. Grrrr… Ce chauffeur de rickshaw aura vraiment tout fait pour m’embêter. Comme par hasard, un taxi est là et propose de m’emmener en voiture, mais je le rembarre vite fait bien fait et j’ai raison car le nouveau terminal n’est qu’à 5 minutes à pied.
Au final, au bout de deux heures et demi, j’arrive enfin à destination, ouf !! et vu le retard de mon vol, je suis même un petit peu en avance. J’ai fait faire pratiquement 100 km au rickshaw sans le payer, ça lui apprendra à vouloir arnaquer les touristes, et toc !
Dernière angoisse, tout de même : si mon vol a trop de retard, je rate ma correspondance à Delhi. Heureusement, tout se goupille bien et j’arrive comme prévu à 23h à Ahmedabad. Quelle épopée !
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